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Flavius Josèphe parle de Jésus


Tombeau probablement contemporain de Jésus,
1er siècle, fouilles de Nazareth.
 


     Flavius Josèphe, historien Juif romanisé du Ier siècle, parle à plusieurs reprises de celui qu’il appelle d’abord “ le Thaumaturge ”, et quelques années plus tard qu’il désigne sous le nom de Jésus en disant “ Christos, c’était lui ”.

     E.Nodet en annexes de son livre “ Histoire de Jésus ? Nécessité et limites d’une enquête ”, éditions du Cerf, Paris 2.003 publie plusieurs textes de Josèphe sur Jésus (Trois d’entre eux sont reproduits ici avec l’autorisation de l’éditeur). Je donne notamment des extraits pratiquement inconnus tirés de “ la Guerre des Juifs ” de Josèphe, dans une édition traduite du grec en slavon.

     Dans son livre E. Nodet, Professeur à l’Ecole Biblique de Jérusalem, explique qu’une première édition de La Guerre avait été faite, traduite par Josèphe lui-même de l’araméen en grec. Le texte grec de cette première édition est perdu. Mais cette première édition nous est connue par une version en slavon. Une seconde édition, qui s’est conservée, a été mise plus tard en grec par des secrétaires traducteurs. Ce texte est plus policé, mais perd certains aspects de la culture juive de l’époque. Les passages concernant Jésus ont alors été supprimés.

     Or le texte slavon de La Guerre évoque très précisément un “ thaumaturge ” qui n’est pas nommé autrement. Mais ce texte slavon se rapproche étonnamment du fameux “ testimonium de Jesu ” que Josèphe mettra plus tard dans “ les Antiquités Judaïques ”.

 

1 “  Le thaumaturge ”

     “ Entre deux épisodes où Pilate provoque des rébellions juives, le slavon insère (après G 2:174) une notice sur Jésus, formée d'un portrait d'ensemble suivi du récit de sa mort (c'est le même schéma que la d'Hégésippe sur Jacques, texte W). Il est qualifié de thaumaturge. Mais il n'est pas nommé, ce qui suggère une certaine crainte de la puissance de son nom comme guérisseur et thaumaturge. Aucune attache galiléenne n'est indiquée, ni aucun lien avec Jean-Baptiste, qui a disparu avant l'ar­rivée de Pilate (texte M). Contrairement au cas d'Hérode (texte J), il n'y a ni titulature biblique ni accomplissement des Écritures, mais seulement une rumeur ou du moins un vœu populaire de royauté.
     L'authenticité du passage est discutée, en particulier à cause de l'affirmation (un peu timide) du caractère divin de ce thaumaturge, mais cela n'a en fait rien d'anormal dans le judaïsme du temps : Josèphe rapporte des guérisons opérées par exorcisme ; l'ancêtre de cet art, une spécialité des Esséniens, est Salomon, que Dieu avait doté de pouvoirs spéciaux (AJ 8:45-49). De plus, il est difficile de croire qu'un interpolateur chré­tien ait pu concevoir un récit aussi peu chrétien. On pourrait imaginer un judéo-chrétien, mais alors il serait nécessairement proche de la Judée et du temps de Josèphe, ce qui conduit à des hypothèses compliquées sur les circonstances de son activité. II est plus naturel de conclure que Josè­phe est témoin d'un ensemble de traditions dans lesquelles ont puisé aussi les rédacteurs des évangiles ” Nodet, p. 225.

     Alors parut un homme, s’il est permis de l’appeler homme. Sa nature et son extérieur étaient d'un homme, mais son apparence plus qu'humaine, et ses oeuvres divines : il accomplissait des miracles étonnants et puissants. Aussi ne puis-je l'appeler homme. D'autre part, en considérant la commune nature, je ne l'appellerai (ou on ne l'appellera) pas non plus ange. Et tout ce qu'il faisait, par une cer­taine force invisible, il le faisait par la parole et le commandement. Les uns disaient de lui : “ C'est notre premier législateur qui est ressuscité des morts et qui fait paraître beaucoup de guérisons et de preuves de son savoir. ” D'autres le croyaient envoyé de Dieu. Mais il s'opposait en bien des choses à la Loi et n'observait pas le sabbat selon la coutume des ancêtres ; cependant, il ne faisait rien d'impur ni aucun ouvrage manuel, mais disposait tout seulement par la parole.
     Et beaucoup d'entre la foule suivaient à sa suite et écoutaient ses enseignements. Et beaucoup d'âmes s'agitaient, pensant que c'était par lui que les tribus d'Israël se libéreraient des bras des Romains. Il avait coutume de se tenir de préférence devant la cité, sur le mont des Oliviers. C'était là qu'il dispensait les guérisons au peuple. Et auprès de lui se rassemblèrent cent cinquante serviteurs, et d'entre le peuple un grand nombre. Observant sa puissance, et voyant qu'il accomplissait tout ce qu'il voulait par la parole, ils lui demandaient d'entrer dans la ville, de massacrer les troupes romai­nes et Pilate, et de régner sur eux 51 Mais il n'en eut cure. Plus tard, les chefs des Juifs en eurent connaissance, ils se réunirent avec le ,grand prêtre et dirent : “ Nous sommes impuissants et faibles pour résister aux Romains, (qui sont) comme un arc tendu Allons annoncer à Pilate ce que nous avons entendu, et nous n'aurons pas d'ennuis: si jamais il l'apprend par d'autres, nous serons privés de nos biens, nous serons taillés en pièces nous-mêmes et nos enfants dispersés en exil. ” Ils allèrent le dire à Pilate. Celui-ci envoya des hommes, en tua beaucoup parmi le peuple et ramena ce thauma­turge. Il enquêta sur lui, et il connut qu'il faisait le bien et non le mal, qu'il n'était ni un révolté, ni un aspirant à la royauté et le relâcha, car il avait guéri sa femme qui se mourait.
     Et, venu au lieu accoutumé, il faisait les oeuvres accoutumées. Et de nouveau, comme un plus grand nombre de gens se rassemblaient au­tour de lui, il était renommé pour ses oeuvres par-dessus tous. Les docteurs de la Loi furent blessés d'envie, et ils donnèrent trente ta­lents à Pilate pour qu'il le tuât. Celui-ci les prit et leur donna licence d'exécuter eux-mêmes leur désir . Ils le saisirent et le cruci­fièrent en dépit de la loi des ancêtres.

 

2 “ Christos, c’était lui. ”

     Le passage parallèle dans les Antiquités (AJ 18:63-64) est le fameux testimonium de Jesu, dont le début est semblable à celui de la notice pré­cédente. Il a fait couler beaucoup d'encre, car depuis les humanistes on l'a longtemps soupçonné d'être une interpolation chrétienne. En toute hypothèse, il ne s'agit pas à proprement parler d'un témoignage sur Jé­sus, mais plutôt sur une confession de foi baptismale des chrétiens de Rome, ce qui est bien différent, et d'ailleurs fort intéressant, car c'est la trace la plus ancienne de ce qui deviendra plus tard le Symbole des Apô­tres ; la structure trinitaire est assez perceptible. De plus, cette confession est assez semblable à la “ parole de salut ” qui forme le noyau du long discours prononcé à Antioche de Pisidie par Paul, qui a désormais son nom romain (Ac 13,27-32).
     Les objections encore actives à l'authenticité se résument pour l'es­sentiel à un point : il n'est pas possible qu'un Juif comme Josèphe ait pu dire que Jésus était le Christ sans être lui-même chrétien. Mais ce juge­ment résulte d'un anachronisme : le nom “ chrétien ”, de formation latine (christianus), n'est pas né à cause des disciples de Jésus, mais à l'occasion d'agitations messianisantes juives (“ sous l'impulsion de Christus ”, dit Suétone) dans les métropoles de l'Empire vers 40, à la fin du règne de Caligula.
     Ces troubles prirent des proportions considérables - même Philon d'Alexandrie fit le voyage à Rome pour tenter de calmer le jeu. Ils étaient dus au projet de l'empereur de mater les Juifs en faisant installer sa propre statue au temple de Jérusalem par le gouverneur de Syrie. Celui-ci, qui essaya de temporiser, résidait à Antioche, et c'est bien là que Paul, Barnabé et quelques autres furent pris dans ce tourbil­lon et traités de “ chrétiens ” (Ac 11,26), ce qui resta une qualification criminelle durable.
     Dans cette notice, Josèphe ne dit rien de précis sur la vie publique de Jésus, mais il commet un anachronisme caractéristique, puisqu'il indique que Jésus a fondé de son vivant une école où se mêlent Juifs et Grecs. Il s'agit du christianisme paulinien, et non du mouvement juif initial en Galilée et en Judée.
     Par cette imprécision, Josèphe dévoile la raison pour laquelle il ne peut plus admettre ce mouvement. On peut supposer que c'est à Rome, vers 75, qu'il a découvert le lien entre le personnage de Judée, dont il avait vénéré le renom, et la nouvelle “ école ” répandue jusqu'à Rome et qu'il ne pouvait accepter. Cela suffirait à expliquer qu'ayant parlé trop favorablement du thaumaturge dans sa première version de la Guerre (conservée en slavon), il ait ensuite fait (précipitamment) tout supprimer par ses assistants dans la version définitive, qui fut dûment approuvée par l'empereur Titus et que l'on date vers 78. Plus tard, dans les Antiquités, il jugea qu'il fallait mentionner brièvement les chrétiens, mais on ignore ce qui a pu l'y pousser ” (Nodet, p.229).

     Vers le même temps survient Jésus, habile homme, si du moins il faut le dire homme. Il était en effet faiseur de prodiges et maître de ceux qui reçoivent avec plaisir les choses anormales. Il se gagna beaucoup de Juifs et aussi beaucoup du monde hellénistique.
     Christ(os), c'était lui.
     Et, Pilate l'ayant condamné à la croix, selon l'indication des pre­miers d'entre nous, ceux qui avaient été satisfaits au début ne ces­sèrent pas. Il leur apparut en effet le troisième jour, vivant à nou­veau, les divins prophètes ayant prédit ces choses étonnantes et dix mille autres merveilles à son sujet.
     Et jusqu'à présent, l'engeance des chrétiens, dénommée d'après celui-ci n'a pas disparu.                                                                            
(Antiquités Judaïque 18 / 63-64)

 

3 “ Disciples du thaumaturge ”

     “ A la mort d'Agrippa I" en 44, la Judée redevint pratiquement une province romaine. Des procurateurs furent envoyés, mais les institutions judiciaires juives étaient maintenues avec pleins pouvoirs, contrairement à l'époque de Tibère. Le slavon insère à ce point (G 2:221) une notice, où l'on reconnaît une esquisse de la première partie des Actes, ce qui correspond au mouvement juif des disciples du thaumaturge avant la vocation de Saül et la visite de Pierre chez Corneille, épisodes qui ou­vrent sur d'autres horizons (que Josèphe refusera, cf. texte P) ”. Nodet p. 234.

     Si quelqu'un s'écartait de la lettre de la Loi, le fait était révélé aux ­docteurs de la Loi. On le mettait à la torture, et on le chassait ou bien on l'envoyait à César. Et sous ces procurateurs apparurent de nom­breux serviteurs du thaumaturge déjà décrit, et ils disaient au peuple que leur maître était vivant, bien qu'il fut mort : “ Et il vous libé­rera de la servitude. ”

     Et beaucoup d'entre le peuple écoutèrent leurs paroles. Ils prêtaient l'oreille à leurs commandements, non pas à cause de leur renommée, car ils étaient de petites gens, les uns tail­leurs de voiles, les autres savetiers, d'autres artisans. Mais ils accomplissaient des signes merveilleux en vérité, tous ceux qu'ils voulaient. Alors ces nobles procurateurs, voyant l'égarement du peuple, complotèrent avec des scribes de les saisir et de les tuer- : car une petite chose cesse d'être petite quand son aboutissement est une grande chose. Mais ils eurent honte et peur devant les signes: ils disaient que la magie ne faisait pas tant de miracles; si ces gens n'étaient pas envoyés par la providence de Dieu, ils seraient bientôt confondus. Et licence leur fut donnée de circuler à leur gré. Ensuite, importunés par eux, ils les dispersèrent, envoyant les uns à César, les autres à Antioche pour comparaître, et d'autres dans des régions lointaines.
(Guerre des Juifs, texte Slavon, 2 / 221)

 

Nous remercions les Editions du Cerf qui nous ont aimablement autorisés à reproduire ces larges extraits du livre d’Etienne Nodet,
Histoire de Jésus ? Nécessité et limites d’une enquête, Paris 2.003.
On n’est pas autorisé à les reproduire sans l’autorisation des éditions du Cerf.


    

Pour en savoir plus : - Jésus est-il historique ? Jésus-Christ est-il Dieu ?
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